Depuis l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, les Indiens du Brésil et les défenseurs de l’environnement ont lancé l’alerte… En vain. L’Amazonie est en feu : en juin, la déforestation avait augmenté de 88% par rapport aux données de l’an passé. Désormais, elle aurait presque été multipliée par quatre.
Les responsables ? L’industrie minière, et de l’agriculture et de l’élevage intensifs.
En mars dernier, Mighty Earth, France Nature Environnement (FNE) et Sherpa épinglaient ainsi 20 grandes entreprises françaises du secteur agroalimentaire et de la grande distribution pour leurs approvisionnements – directs ou indirects – en soja, provenant du Brésil et plus largement d’Amérique du Sud. Interpellées par Libération sur la prise en compte de la déforestation liée à la culture du soja, la plupart de ces entreprises étaient dans l’incapacité de tracer la provenance du soja entrant dans leurs chaînes d’approvisionnement et de garantir que ce soja était exempt de toute déforestation.
Les entreprises visées sont, par ordre alphabétique : Auchan, Avril-Sanders, Bel, Bigard, Carrefour, Casino, Cooperl, Danone, E.Leclerc, Elior, Les Mousquetaires, Lactalis, LDC, Lidl, Neovia, Olivier Bretrand, Sodexo, Sodiaal, Système U et Terrena.
Selon les ONG, les entreprises sont parfaitement au courant de ces risques, mais elles ne les prennent pas suffisamment en compte et manquent de transparence sur le sujet. « Nous les avons alertées depuis deux ans avec plusieurs rapports. Pour celui-ci, nous leur avons envoyé des courriers d’alerte, des questionnaires, et nous les avons appelées à plusieurs reprises. Une dizaine a répondu, souvent de façon largement insuffisante, mais certaines comme Olivier Bertrand qui détient les burger King, Quick ou Bistrot romain, ne nous ont jamais répondu », précise la directrice de campagne de Mighty Earth.
La grande distribution dans le viseur
Carrefour, Casino et E. Leclerc sont particulièrement concernées.
La société française Carrefour est en effet propriétaire majoritaire des plus grandes chaînes de supermarchés au Brésil, et exposée au risque de déforestation due au bétail. D’importants maillons de sa chaîne d’approvisionnement sont gérés par Cargill et JBS. Carrefour s’est engagé à éliminer la déforestation de ses produits d’ici 2020, mais cette politique ne s’applique pas aux produits à base de viande bovine transformée ou congelée: cela signifie que seule la moitié environ de la distribution de viande de Carrefour au Brésil est couverte par sa politique de déforestation zéro. Selon Chain Reaction Research, 35% du boeuf et des produits de bœuf échantillonnés provenaient d’abattoirs situés dans l’Amazonie légale, dont 2,3% d’abattoirs à haut risque
Casino, propriétaire de Pao de Açucar, apprécie sa réputation de durabilité dans son pays d’origine. Mais en tant que deuxième chaîne de supermarchés au Brésil, elle continue d’acheter à Cargill, Bunge, et aux principaux fournisseurs de bétail du Brésil, toujours selon Chain Reaction Research.
Quant à E. Leclerc, le rapport de Sherpa, France Nature Environnement et Mighty Earth montre qu’il a échoué dans ses mesures de durabilité du soja. L’entreprise refuse de se joindre aux appels de l’industrie pour protéger le Cerrado en voie de disparition, n’a pas rempli ses obligations légales de divulguer ses sources, et n’a pas développé de mécanisme d’alerte pour identifier les risques ou assurer le suivi des alertes de déforestation fournies par des tiers. Le dernier rapport de développement durable d’E.Leclerc ne prend d’ailleurs aucun engagement sur l’approvisionnement en viande, ni sur aucun autre produit que l’huile de palme.
Les entreprises devraient réorienter leurs politiques d’achat vers les pays qui augmentent leur couvert forestier et protègent les populations autochtones. Elles refusent de le comprendre ? Gageons que privées de consommateurs, elles se décident à réfléchir à leur impact…
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