Derrière ses vitrines, ses téléphones et sa communication graphiquement irréprochables, Apple applique une politique fiscale et écologique qui laisse à désirer.
Sa première filiale française, Apple France SARL déclarait, fin septembre 2017, un chiffre d’affaires de 89 millions d’euros pour un impôt de 14,5 millions. La seconde, Apple Retail France EURL, qui compte plus de 2.100 salariés, a déclaré, à la même période, un chiffre d’affaires de 711 millions d’euros et un impôt de 4,6 millions d’euros. Or, les estimations réelles du chiffre d’affaires enregistré par les filiales d’Apple en France se situent, a minima, à 4 milliards d’euros…
Scandaleux ? Peut-être, mais strictement légal…
Le problème, c’est que les GAFA sont des championnes de l’optimisation fiscale. Une entreprise n’est en effet assujettie à l’impôt d’un pays que si elle y détient un « établissement stable ». Pour y échapper, les géants du web transfèrent de manière artificielle leur activité dans des pays où la fiscalité est plus accueillante, comme l’Irlande ou le Luxembourg… Et ne gardent en France que des filiales avec le moins de salariés possible.
Parce que nous exigeons des règles fiscales équitables et transparentes, qui obligent les GAFA à payer leur juste part d’impôts et de taxes, nous, citoyens, avons décidé de boycotter les mastodontes.
Mais si Apple restera tout particulièrement dans notre ligne de mire, c’est parce que l’entreprise cumule injustice fiscale, et désastre environnemental : smartphones, tablettes, ordinateurs, télévisons, appareils électroménagers… En 2016, les humains ont généré près de 44,7 millions de tonnes de déchets électroniques, soit l’équivalent de 4500 tours Eiffel. Ce que ces déchets deviennent ? Rien : 80 % ne font l’objet d’aucune traçabilité, et terminent dans des incinérateurs, ou dans des décharges. Pire : des experts estiment que la masse de ces déchets devrait augmenter de 17 % d’ici à 2021… Une progression plus rapide que n’importe quelle autre ordure ménagère et dont l’impact écologique est désastreux.
Dans ce contexte, l’ensemble des acteurs prenant part au cycle de vie des produits sont concernés, et doivent contribuer à faire évoluer la situation. A commencer par les constructeurs de produits high-tech ! En intégrant des principes d’éco-conception à leurs produits, ils permettraient la simplification du recyclage. Par exemple.
Le font-ils ? Pas tous. Et certainement pas Apple.
Apple qui a annoncé des résultats financiers pour le troisième trimestre de son exercice fiscal 2018 s’élevant à 53,3 milliards de dollars, soit une hausse de 17 % par rapport au troisième trimestre 2017. « Nous sommes ravis d’annoncer qu’Apple a enregistré le meilleur troisième trimestre de son histoire ainsi qu’une croissance à deux chiffres de son chiffre d’affaires pour le quatrième trimestre consécutif », a déclaré Tim Cook, CEO d’Apple.
Il est ravi, donc.
Sait-il que l’extraction de la cinquantaine de métaux présents dans la composition d’un smartphone (deux fois plus que pour un portable d’ancienne génération) génère des exploitations humaines honteuses, et participe à la formation de troubles politiques, comme en République démocratique du Congo, autour de l’exploitation du tantale notamment ? Sait-il que l’extraction et la transformation de ces ressources polluent, produisent des déchets radioactifs et détruisent les paysages, comme le rappelle le ?
Sait-il que ces matériaux restent difficilement recyclables, du fait qu’ils soient, pour la plupart, sous forme d’alliage ?
Sait-il que sur les 849.450 iPhone vendus par jour (soit 35.393 toutes les heures, ou 590 toutes les minutes), seuls 15 % sont recyclés en fin d’usage, selon une étude réalisée conjointement par l’Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’ONG France Nature Environnement ?
Il le sait probablement.
Mais cela ne le dérange pas au point d’utiliser une infime partie de ses profits pour mettre en pratique des principes d’éco-conception, ou pour mettre en place des circuits simples et efficaces de recyclage en fin de vie.
Apple, bien au contraire, préfère proposer régulièrement de nouvelles versions plus sophistiquées ou des mises à jour incompatibles avec les précédents modèles, privilégiant l’obsolescence esthétique et logicielle. La firme préfère réduire toujours plus la durée d’utilisation de ses téléphones, avec des batteries ne pouvant supporter qu’un nombre limité de cycles de charge (300 à 400 cycles soit deux à trois ans d’utilisation). Et elle préfère rendre toujours plus complexe la réparation, avec des produits quasi indémontables et des pièces de rechange indisponibles, autant de cas d’obsolescence technique.
L’an dernier, Greenpeace épinglait le géant, en pointant du doigt des réparations impossibles, des batteries irremplaçables, et des coûts de réparation exorbitants. En décembre 2017, Halte à l’obsolescence programmée (Hop) lançait un pavé dans la mare du commerce français des smartphones, en déposant une plainte contre Apple. L’association y accusait la société américaine de brider ses anciens modèles d’iPhone via une mise à jour du système d’exploitation, et ce, au moment même de la sortie de l’iPhone 8, afin de pousser ses clients à acheter le nouveau modèle.
Apple s’est-il saisi de la question ? Absolument pas. Il a préféré réitérer : en novembre dernier, un nouveau scandale a émergé au sujet de la marque à la pomme. Selon HOP, les ordinateurs MacBook Pro et iMac Pro seraient dotés d’une puce T2 capable de bloquer des appareils si ceux-ci ont été réparés par des entreprises non agréées. Selon plusieurs sources, cette puce permettrait en effet de bloquer les réparations n’ayant pas eu recours au logiciel Apple Service Toolkit, utilisé par les réparateurs agréés.
Le résultat ? Alors que notre vieux Nokia 3310 sorti en 2000 a fonctionné pendant des années sans poser de problème, le dernier iPhone 6 demande une attention toute particulière pour dépasser deux ans. Si bien que nous changeons de téléphone portable environ tous les 20 mois, alors qu’en réalité ces produits ont une durée de vie moyenne de 4 ans selon l’UNEP (Programme des Nations Unies pour l’environnement).
Pour obliger Apple à revoir sa copie et à relever le défi face aux enjeux climatiques phénoménaux qui nous attendent, boycottons la marque. Lorsque Apple réalisera que le critère de la durabilité devient important pour ses consommateurs, il finira par agir. Mais attention : il ne s’agit pas de répercuter notre achat sur un autre téléphone portable coûteux pour l’environnement : les alternatives existent, et des entreprises telles que Fairphone ont montré qu’il était possible de fabriquer des téléphones portables responsables : soutenons-les !