Les Gilets Jaunes sont par définition un mouvement du peuple, dispersé, spontané, non hiérarchisé, non organisé. Dès lors, leurs actions touchent un peu à tout, condamnent, revendiquent et protestent, aussi largement qu’ils en ont ras-le-bol.
Et voilà que les Gilets Jaunes commencent la semaine en bloquant l’accès au site de la multinationale Monsanto, à Saint-Andiol. Aux côté des gilets jaunes, plusieurs collectifs et associations sont venus les rejoindre, comme Les faucheurs volontaires, Les amis de la terre, Foll’Avoine, La confédération paysanne, Les coquelicots, Les Opposants et ZEA.
Une décision à saluer : Monsanto, c’est tout de même le géant de l’agro-alimentaire qui a réussi la prouesse de cumuler la commercialisation, au fil des années et sans le moindre scrupule, de mille et un poisons pour le vivant dans sa globalité. Un géant qu’on boycotte depuis début octobre. Comme le dit Cyril Dion, la décision des Gilets Jaunes est une excellente nouvelle : « la bonne nouvelle, c’est que la cause de la destruction de l’environnement et du réchauffement et la cause des inégalités est la même : c’est un système qui cherche du profit, un maximum, le plus vite possible et qui concentre les richesses au sommet. On a besoin de transformer ce système et on a une chance historique de le faire ensemble. »
Ce n’est d’ailleurs pas une première : ces derniers mois, plusieurs initiatives de ce type ont été lancées : en décembre, les Gilets Jaunes avaient déjà pris position devant une autre usine Monsanto à Trèbes, dans l’Aude, bloquant l’accès à l’usine du géant des pesticides et empêchant les camions d’entrer et de sortir du site.
A Toulouse, ils avaient également bloqué les accès de l’agence de livraison du géant du e-commerce Amazon située dans le quartier Bordelongue, réclamant que le groupe américain paye ses impôts en France. Et là aussi, on dit bravo : , et qu’
Plus récemment, . La Société Générale que nous boycottons également : charbon, sables bitumineux, gaz de schiste, forages en Arctique et en eaux profondes, Société Générale est la première banque française à financer les énergies sales… Elle soutient notamment le développement du terminal d’exportation de gaz de schiste Rio Grande LNG et du gazoduc Rio Bravo Pipeline au Texas, qui contribueraient à émettre autant que 44 centrales à charbon, et menacent les conditions de vie des communautés locales et des peuples autochtones.
Et puis dernièrement, les Gilets Jaunes avaient pris Primark pour cible. Qui fait aussi partie de nos boycotts après H&M…
Alors aujourd’hui, on se prend à rêver, et ce n’est pas du luxe, en cette période déglinguée. On se prend à évoquer des « et si… » en imaginant un mouvement populaire, citoyen, spontané, faisant converger les luttes sociales, politiques, économiques et environnementales, qui ne sont qu’une seule et même cause, celle de notre avenir, et qu’une seule et même cibles, les multinationales, aidées sans scrupule par nos pouvoirs publics.
De fait, au-delà de nos différences d’approche et de nos préoccupations premières, nous faisons tous face à la même problématique majeure : l’incapacité de nos dirigeants à entendre la voix de leurs citoyens, et à prendre leurs responsabilités vis-à-vis des générations futures. Nous ne pouvons être les seuls à faire des efforts, à respecter les lois, et à payer nos impôts, quand les élus et les grands groupes ne se voient pas imposer les mêmes efforts, les mêmes lois, les mêmes impôts.
Conscients des enjeux, mais imperturbables dans leur recherche du profit maximal, les grands groupes continuent à refuser toute forme de régulation contraignante dans le domaine climatique. Face à une urgence climatique sans précédent pour la survie des générations futures, nous vivons un déni sociétal phénoménal : dans un contexte où la sobriété devrait être fortement encouragée, les multinationales, insuffisamment pénalisées par l’Europe, prônent une surconsommation aberrante, au détriment de la raréfaction des matières premières, de la préservation de l’environnement, et du respect des droits humains. Et qu’on soit gilet jaune, marche pour le climat ou tout simplement réalistes, nous, citoyens, refusons de porter plus longtemps ce déni sociétal.
Parce qu’il nous faut changer de paradigme au plus vite, chacun à notre manière, nous attendons de nos dirigeants qu’ils prennent leurs responsabilités, non pas en annonçant de nouvelles promesses sur les 20 prochaines années, mais en imposant aux multinationales de prendre en compte les enjeux qui sont les nôtres, dès aujourd’hui, grâce à des mesures simples et efficaces.
Et à la question de nos dirigeants européens : « mais comment financer une transition si rapide, des changements si colossaux ? », nous répondons (question à choix multiples, plusieurs réponses possibles) :
a) En obligeant les entreprises à payer leur juste part d’impôts (quand Apple et Starbucks abusent de dispositifs complexes d’optimisation fiscale pour s’en passer), et en sanctionnant fortement, et proportionnellement à leurs bénéfices réels, les entreprises pratiquant l’évasion fiscale (qui atteint tout de même 100 milliards d’euros dans notre cher pays… Pour info, les vingt plus grandes banques européennes déclarent un quart de leurs bénéfices dans des paradis fiscaux, soit 25 milliards d’euros pour la seule année 2015).
b) En interdisant aux entreprises européennes de soutenir ou de participer à des projets à impact climatique, environnemental et social négatif ((quand BNP Paribas, par exemple soutient massivement des industries fossiles extrêmement destructrices pour le climat, avec notamment 174 et 912 millions d’euros de financements à CEZ et RWE depuis 2016)
c) En interdisant les lobbies prônant le développement ou l’utilisation des énergies fossiles
d) En obligeant les entreprises à mettre en place un plan de transition énergétique réaliste et ambitieux avec obligation de publication de résultats
e) En baissant un peu le salaire des députés (le salaire net d’un député s’élève à 5 362,92 euros par mois, sans compter les indemnités et avantages supplémentaires).
Et il y a bien de quoi faire tout l’alphabet.
Alors merci à vous, Gilets Jaunes, de prendre le taureau par les cornes, en secouant un peu Monsanto.