Nuage après nuage, le ciel nous tombe sur la tête : l’heure de la sixième extinction de masse a sonné, 60% des espèces sauvages ont disparu, et il devient illusoire de croire que l’on restera en-dessous de la barre fatidique des 1,5 degrés qui devaient nous protéger du marasme : les chercheurs estiment que nos chances de limiter le réchauffement climatique à 2 °C ne sont que de 5 %. En l’état actuel des engagements pris par les 196 pays pour diminuer leurs émissions d’ici 2030, le réchauffement global atteindrait… les 3,2 °C d’ici la fin du siècle, selon un rapport publié par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE)
Alors, depuis le mois de septembre, nous marchons.
Nous marchons parce que nous voulons des coquelicots, nous marchons parce que nous voulons croire qu’il y a un avenir pour les coquelicots, les abeilles, les girafes et accessoirement nos enfants, nous marchons parce que nous ne voulons, nous ne pouvons porter seuls le fardeau des enjeux climatiques, nous marchons pour exhorter nos dirigeants à sortir de leur inertie.
Cette inertie, ils ont du mal à en sortir, et pour cause : afin de limiter la portée du tsunami climatique qui nous attend, c’est un virage à 180 degrés qu’il nous faut prendre. Ce qu’il nous faut envisager, c’est la sortie de tout un système.
La sortie de ce système, elle va se faire dans la douleur, et nous le savons. Mais nous sommes prêts à prendre le risque, parce que nous n’avons plus le choix. Et parce que ce système, de toute façon, nous n’en voulons plus.
Les Gilets Jaunes n’en veulent plus. Les profs, les étudiants, les personnels hospitaliers, les retraités n’en veulent plus. Les ouvriers bangladais, chinois et indiens n’en veulent plus, les migrants climatiques, économiques, les migrants de guerre n’en veulent plus.
Le système auquel nos dirigeants doivent mettre fin, c’est un système néfaste pour 90% de la population, mais valable pour 10% de la population dont ils font partie. C’est un système profitant aux 100 entreprises responsables de 71% des émissions mondiales de gaz à effet de serre depuis 1988.
Alors nous marchons.
Et à la question de nos dirigeants européens : « mais comment financer une transition si rapide, des changements si colossaux ? », nous répondons (question à choix multiples, plusieurs réponses possibles) :
a) En obligeant les entreprises à payer leur juste part d’impôts (quand Apple et Starbucks abusent de dispositifs complexes d’optimisation fiscale pour s’en passer), et en sanctionnant fortement, et proportionnellement à leurs bénéfices réels, les entreprises pratiquant l’évasion fiscale (qui atteint tout de même 100 milliards d’euros dans notre cher pays… Pour info, les vingt plus grandes banques européennes déclarent un quart de leurs bénéfices dans des paradis fiscaux, soit 25 milliards d’euros pour la seule année 2015).
b) En interdisant aux entreprises européennes de soutenir ou de participer à des projets à impact climatique, environnemental et social négatif ((quand BNP Paribas, par exemple soutient massivement des industries fossiles extrêmement destructrices pour le climat, avec notamment 174 et 912 millions d’euros de financements à CEZ et RWE depuis 2016)
c) En interdisant les lobbies prônant le développement ou l’utilisation des énergies fossiles
d) En obligeant les entreprises à mettre en place un plan de transition énergétique réaliste et ambitieux avec obligation de publication de résultats
e) En baissant un peu le salaire des députés (le salaire net d’un député s’élève à 5 362,92 euros par mois, sans compter les indemnités et avantages supplémentaires).
Et il y a bien de quoi faire tout l’alphabet.
Alors, au moment où le monde se tourne vers la poignée de pays encore en mesure de reprendre les rênes de notre avenir, après toutes ces marches, toutes ces initiatives citoyennes, tous ces articles fouillés de journalistes impliqués, après tous ces appels de détresse de la communauté scientifique, tous ces chiffres accablants, après des semaines d’un odieux silence, au moment où le Président de la République Française se décide enfin à parler – qui est aussi le moment de la COP 24 où 4 Etats pétroliers bloquent les négociations sur le climat – c’est pour annoncer une (fausse) hausse du SMIC de 100 (relatifs) euros, et pour demander gentiment aux (petites ? moyennes?) entreprises de faire un effort en accordant une prime de Noël à leurs employés exsangues. Et pour supprimer les impôts et charges pour les heures supplémentaires dès 2019. Histoire de ne pas oublier de travailler plus pour gagner plus.
Quand la planète désigne l’urgence climatique, le Président regarde les Gilets Jaunes, sans les comprendre. Alors que faire ?
Marcher encore. Nous réunir. Plus nombreux. Pourquoi pas toutes les semaines, infatigables, comme le sont les Gilets jaunes. Nous réunir massivement parce qu’il n’est plus temps de tergiverser, comme le font les Gilets Jaunes. Ces gilets jaunes qui étaient à nos côtés, quand nous avons marché à Paris mais aussi en province. Parce que nous avons les mêmes dirigeants, qui adoptent la même impassibilité, le même dédain face à leurs citoyens.
En ces périodes agitées, notre ras-le-bol est sociétal. C’est un ras-le-bol politique, face à l’inertie de nos dirigeants qui œuvrent très, très loin des préoccupations de leurs électeurs, un ras-le-bol citoyen face à l’urgence climatique, un ras-le-bol économique et social face aux difficultés qu’éprouvent trop de Français pour simplement survivre, un ras-le-bol humain, face aux migrants qui meurent en Méditerranée, face aux enfants esclaves, face aux guerres préfabriquées, face aux ouvriers chinois qui assurent des cadences infernales, face aux déchets qui deviennent continents, face aux grands groupes tentaculaires et insatiables…
Pour exprimer ce ras-le-bol en visant juste, en ne mettant la pression que sur les pouvoirs publics et les multinationales qui multiplient les injonctions à consommer sans se soucier des travailleurs qu’elles emploient et des ressources qu’elles pillent, il y a le boycott citoyen.
Notre mission est très, très simple : dépenser au compte goutte, au cas par cas, seulement quand et comme nous le voulons, pour des produits dont nous avons besoin, et qui sont respectueux de la terre et des hommes. Boycottons tout le reste, changeons de banque s’il le faut, passons-nous de Nestlé, de Danone et de Coca-Cola, de McDonald’s et de H&M, n’accordons plus un centime aux grands groupes qui ne respectent ni les lois, ni les humains, ni notre planète et notre avenir.
Si nous nous y mettons tous, vraiment tous, à cette période de l’année, il ne faudra pas 6 semaines pour que les pouvoirs publics et les lobbies, soudain, nous écoutent. Il nous suffira d’être les consommateurs les plus inexistants possible. Imaginons un peu : pas d’achat neuf de cadeaux (mais cadeaux quand même : troc, seconde main… de très nombreux sites existent !), des achats raisonnés pour les repas de fête… Et c’est toute une économie de la surconsommation qui se mourra !