Le 17 novembre nous pompe l’air. Vous en avez entendu parler, de cet appel à bloquer les routes pour protester contre la hausse du prix du carburant ? Après une pétition signée par près de 300 000 personnes en cinq jours, des dizaines d’appels à bloquer les routes le 17 novembre se sont multipliés sur les réseaux sociaux. Une vidéo publiée le 24 octobre et appelant les automobilistes à déposer un gilet jaune devant leur pare-brise a cumulé quatre millions de vues, et le 15 octobre, un groupe «Stop au carburant au prix de l’or» s’est créé, rassemblant depuis près de 66 000 membres. Depuis, il a changé son nom pour «La France en colère». Ces mouvements sont-ils politiques ? Des tas d’articles vous en parleront.
Mais de fait, le problème n’est pas tant de connaître l’origine exacte de cet appel à bloquer les routes, mais de réaliser qu’à l’heure où nous n’avons d’autre choix que de réduire au strict minimum notre dépendance aux énergies fossiles, entre deux marches pour le Climat, le peuple français s’apprête à descendre dans la rue pour râler contre l’augmentation des prix à la pompe. Le premier enseignement de cet appel au 17 novembre, c’est le symptôme flagrant de notre déni sociétal.
Si notre objectif – puisque notre objectif – est de limiter drastiquement le réchauffement climatique dans les plus brefs délais, comment penser que les changements conséquents que cela impliquera se feront sans heurt ? Oui, le prix du carburant va augmenter. Et encore augmenter. Parce que les ressources se raréfient, parce que les lobbies pétroliers veulent en profiter, parce nos dirigeants ne prendront pas le taureau par les cornes, ou pas de la bonne façon. Oui, le prix du carburant va augmenter. Et une vraie politique de transports doux doit être pensée, et mise en place par l’Etat. Cette hausse doit venir financer un vrai maillage du territoire, des campagnes, là où les Français ne peuvent vivre autrement qu’avec une voiture. Et puis des systèmes de co-voiturage, et surtout de télé travail, doivent être proposés par les entreprises avec une véritable politique incitative de la part de l’Etat.
Les solutions existent, tout le monde le sait. Elles doivent être mises en place, sans attendre.
Et puis plus tard, c’est certain, peu à peu, il va falloir s’y faire, la hausse du carburant impliquera pour certains de changer leur façon d’exercer leur métier, ou de changer de poste, si leur métier ou leur poste implique de faire des trajets de 50 ou 70 kilomètres en voiture chaque jour sur une planète qui ne peut plus le tolérer… Oui, les défis qui nous attendent impliqueront d’effectuer des changements colossaux, et de remettre en question ce qu’a été notre vie jusque-là. Pas à contre cœur, mais avec courage et enthousiasme, en trouvant un vrai sens à sa vie, parce que « notre vie de jusque-là » ne tient pas la route. Parce qu’on ne change pas le monde simplement en arrêtant d’acheter ses vêtements chez H&M.
Alors encore oui, cela va être difficile. Non, cela ne va pas se faire sans efforts individuels et collectifs. Et oui, nous pouvons relever le challenge. Nous le devons, et il va falloir s’y faire.
Ce que les réactions à cet appel permettent aussi de mesurer, c’est le ras-le-bol des Français : des Français qui ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts dans des conditions économiques et sociales de plus en plus complexes (un Français sur cinq ne mange pas à sa faim), des Français scandalisés par les choix de dirigeants qui nomment la responsable de communication de Danone secrétaire d’Etat à l’environnement, ou encore qui refusent d’interdire le glyphosate.
Nous en avons ras-le-bol ? Ne nous trompons pas de combat.
Ne descendons pas dans les rues pour râler contre la hausse du carburant. C’est un leurre.
Le problème n’est pas le prix du carburant. Le problème, C’EST le carburant.
Le problème, c’est Total, ses incursions inadmissibles dans les rares lieux de nature encore préservés, sa stratégie d’investissement coûteuse en émissions de gaz à effet de serre… Le problème, c’est Total mais aussi les autres compagnies pétrolières, guère plus vertueuses, et le fait que des milliards de personnes dépendant chaque jour de ces entreprises scandaleusement irrespectueuses de l’environnement et des enjeux colossaux que nous nous devons de prendre en compte pour survivre.
Le problème, c’est eux. Et puis c’est Danone, c’est Nestlé. C’est le système, c’est le paradigme…
Pour faire savoir notre ras-le-bol d’un système qui nous dit qu’il va changer depuis 1992 mais qui rechigne encore à mettre le pied à l’étrier, pour dire à nos dirigeants et aux entreprises que nous sommes prêts, et que nous n’en pouvons plus de les attendre, ce que nous devons boycotter, ce sont les multinationales qui s’immiscent dans le droit des Etats et le droit des peuples. Ce que nous devons boycotter, ce sont les supermarchés et les enseignes de fast food qui nous empoisonnent, et les magasins de fast fashion qui nous poussent à la surconsommation, et le plastique à outrance qui nous asphyxie, et les pesticides qui nous tuent à petit feu.
Alors ne nous trompons pas de combat. Si nous rejoignons ceux qui descendent dans la rue pour dénoncer la hausse des prix du carburant, en espérant dénoncer autre chose, en espérant faire converger les luttes, c’est illusoire : les médias aiment les raccourcis, et ils ne prendront pas la peine de dissocier les revendications.
Faisons preuve d’un peu de patience, et attendons une petite semaine de plus : le 23 novembre, 6 jours plus tard, ce sera le Cette journée a été co-organisée conjointement par Climate Friday, « Il est encore temps », Boycott Citoyen, Plastic Attack, et i-boycott. Il viendra contrer le Black Friday, ce jour de consommation à outrance où les grandes enseignes bradent leurs produits payées à bas coûts par les acheteurs, mais produites au prix fort par des ouvriers exploités, et par la planète dont les ressources sont pillées à outrance, tout ça pour changer un four qui fonctionne très bien ou nous offrir un cinquième petit pull, ne soyons pas dupes.
Et puis le 8 décembre, ce sera au moment de la COP. C’est là qu’il faudra être nombreux, plus nombreux que pour la Coupe du Monde, plus nombreux, s’il vous plaît, que pour Johnny, plus nombreux, par pitié, que le 17 novembre…
Rejoignez le mouvement : chaque jour, Boycott Citoyen ajoute une marque à la liste noire des produits dont nous ne voulons plus, au nom de notre avenir.